L’instituteur égyptien Hassan el-Banna crée les Frères musulmans en 1928 dans un contexte de développement du foyer sioniste en Palestine et dans une époque où la colonisation offrait aux Britanniques la mainmise sur le canal de Suez. Ces facteurs amènent Hassan el-Banna à imaginer un mouvement religieux qui pourrait s’opposer à la colonisation et à la domination du monde arabo-musulman par les Occidentaux. Selon ce penseur, il fallait retrouver la voie de l’islam pour chasser les colonisateurs car les musulmans, en perdant leur foi, avaient permis la domination occidentale. C’est le cœur de la doctrine des Frères musulmans, qui se retrouve aussi à Gaza avec la branche palestinienne des Frères musulmans, le Hamas. Dans un premier temps, ce groupe refusait de participer aux combats aux côtés de l’OLP — Organisation pour la libération de la Palestine —, car il fallait d’abord « ré-islamiser » la société palestinienne avant d’affronter Israël. Pour les Frères musulmans, ce mouvement de « réislamisation » des sociétés doit se réaliser au sein du monde musulman mais également à l’extérieur, notamment en Europe où se trouvent des foyers de populations musulmanes. Le corpus des Frères musulmans s’articule, à l’origine, autour de la pensée de Ibn Taymiyya, un théologien sunnite du XIIIe siècle, confronté aux tentatives de conquête des Occidentaux pendant les croisades. Ce dernier tenait également une position radicale à l’égard des chiites et des chrétiens locaux. À ses yeux, la seconde obligation pour un fidèle, après la foi, est la défense des terres musulmanes.
Les Frères musulmans n’hésitent donc pas à utiliser la violence. Prenons leur emblème : deux sabres sont croisés et un appel au combat est fait avec l’injonction « Préparez-vous ! ». Ils le prouvent lorsqu’ils fomentent l’assassinat du Premier ministre égyptien Mahmoud an-Nukrashi Pasha en 1948, lorsqu’ils tentent d’assassiner le président égyptien Nasser en 1954, ou enfin, lors du meurtre du président Anouar el-Sadate en 1981, perpétré par un groupe islamiste radical issu de la mouvance frériste. Autre exemple, l’actuel numéro un d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a débuté son parcours chez les Frères musulmans. Le penseur égyptien Sayyid Qutb, mis en prison puis exécuté sous Nasser, prônait également la lutte armée et la violence comme moyen d’action pour parvenir à ses fins. Il est une source d’inspiration à la fois pour les salafistes et pour les Frères musulmans. Pourtant, la tendance veut que les salafistes soient considérés comme des radicaux et les Frères musulmans comme des modérés. En réalité, la frontière est très poreuse entre ces deux groupes, qui partagent un corpus idéologique similaire. Les Frères musulmans se distinguent par une stratégie plus moderne en participant aux élections et en recrutant dans des cercles d’intellectuels, là où les salafistes s’intéressent surtout aux classes les plus populaires.
Outre cette violence, leur dogme consiste à imposer la charia et à considérer la connaissance ou le pouvoir politique comme des dons de dieu qui ne peuvent s’exercer qu’à travers le Coran. Pour donner corps à ce mouvement et organiser sa structure, Hassan el-Banna s’est inspiré du nazisme et du fascisme italien ; dans les années 1940, il écrivait : « Hitler et Mussolini ont conduit leur pays vers l’unité, la discipline, le progrès et le pouvoir ». En effet, les Frères musulmans reprennent la stratégie du « one man, one vote, one time » — « un homme, une voix, une seule fois ». Ainsi, une fois le pouvoir atteint grâce aux élections, il est conservé et sanctuarisé. Le jeu démocratique est accepté uniquement pour arriver au pouvoir, mais une fois acquis, seules les lois de Dieu peuvent s’appliquer.
Comment se diffuse l’idéologie des Frères musulmans ?
Leur projet initial est de refuser l’État séculier et de s’opposer à l’intégration des musulmans au sein des républiques. Ils défendent ainsi un système politique où le pouvoir politique et religieux est incarné dans une seule personne, le Calife. La confrérie des Frères musulmans est donc comparable à une secte : les membres sont tenus de se consacrer presque exclusivement à leur mouvement religieux et ne peuvent pas adhérer à un autre parti politique. Ils possèdent leurs propres associations fréristes d’étudiants, de médecins, de travailleurs, ou ont leur propre banque, et même leur propre média. Afin de convaincre les populations, les sphères de l’éducation et du social sont massivement investies. Dans les pays arabes où le modèle de développement a échoué, où des carences médicales et éducatives sont visibles, les Frères ont créé les structures nécessaires pour supplanter les services publics.
En raison de la proximité géographique, les Frères musulmans se sont d’abord diffusés au Proche-Orient — comme en Syrie ou en Palestine — puis au Maghreb. Après la série d’indépendances, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie ont voulu arabiser l’enseignement dans leurs écoles. Toutefois, ces pays souffraient d’un déficit de personnel pour dispenser ces cours. Des coopérants égyptiens, dont la plupart étaient des Frères musulmans, sont donc venus répondre à ce besoin d’enseignement et ont contribué au développement de l’islamisme au Maghreb. Si les Frères musulmans ont soutenu le coup d’État de Nasser en 1952 pour des motivations nationalistes et pragmatiques, leur objectif, qui était de se débarrasser ensuite du rais égyptien pour prendre le pouvoir, a échoué. Nasser a en effet initié une répression à leur égard qui les a poussés à fuir l’Égypte et à se répandre dans le monde arabe, notamment là où un besoin éducatif se faisait sentir. Les pétromonarchies du Golfe en ont beaucoup accueilli et les ont soutenus politiquement tant que l’Égypte nationaliste arabe représentait une menace pour eux.
En 2012, les Frères musulmans remportent l’élection présidentielle en Égypte avec la victoire de Mohamed Morsi. À peine un an plus tard, il est écarté du pouvoir. Comment expliquer cette situation et cet échec ? Que reste-t-il du mouvement en Égypte ?
Lorsque les manifestations débutent en Égypte en décembre 2010, les Frères musulmans sont en première ligne. Pourtant, leur rôle a longtemps été minimisé par les journalistes et les analystes, qui pensaient qu’il s’agissait d’un mouvement totalement spontané. Sous le mandat du président Moubarak, la confrérie était surtout implantée dans les associations caritatives, puis progressivement le droit de participer aux élections leur a été concédé. En parallèle, sur la scène internationale, les États-Unis ont commencé à voir dans les Frères musulmans une solution aux problèmes de gouvernance en Égypte. Finalement, ils remportent les élections législatives en janvier 2012, puis quelques mois plus tard, les élections présidentielles. Mohamed Morsi est élu avec peu de marge et les résultats seront contestés pendant plus d’une semaine. L’armée égyptienne refusait le résultat du scrutin mais sous la pression des Américains, la victoire du président frériste a été acceptée. Une fois au pouvoir et en reprenant les méthodes des partis fascistes, les Frères musulmans ont commencé à verrouiller le système et à placer leurs partisans aux postes stratégiques. En novembre 2012, lors du traditionnel défilé en souvenir de la guerre du Kippour de 1973, des anciens membres de la Gamaa al-Islamiya (1) sont placés à côté du président Morsi dans la tribune d’honneur, bien que ce groupe soit à l’origine de l’attentat qui causa le décès du président Anouar el-Sadate. Pour l’armée égyptienne, cet acte n’est pas acceptable. Cela constitue le signal qu’il faut lancer un coup d’État et l’armée peut compter sur le soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, qui voient d’un très mauvais œil l’accession au pouvoir de la confrérie en Égypte. En juillet 2013, quand l’armée reprend la tête de l’État, Morsi est emprisonné, la constitution de 2012 est suspendue et les Frères musulmans sont éjectés du pouvoir puis réprimés. Depuis, la présidence du maréchal Al-Sissi marque le retour de l’armée au pouvoir en Égypte et de la clandestinité pour les Frères musulmans.
Pourquoi le Qatar a-t-il décidé de soutenir les Frères musulmans ? Quels sont les enjeux pour Doha ?
Chassés d’Égypte sous Nasser, les Frères musulmans ont trouvé refuge dans les États du Golfe. L’Arabie saoudite, en mauvais termes avec Nasser, finance et utilise la confrérie contre son ennemi et plus globalement contre tous les partisans nationalistes et séculiers. La fissure entre le royaume saoudien et les Frères a néanmoins lieu en 1990, lors de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein. En effet, l’opération est soutenue par les Frères, alors que Riyad s’y oppose.
C’est au Qatar qu’ils trouvent un nouveau refuge, au moment où le prince héritier Hamad ben Khalifa Al Thani écarte son père du pouvoir tandis que ce dernier était en Europe. Le nouveau leader prend la tête de l’État en 1995 et voit dans les Frères musulmans des cadres utiles au développement qatari. Dans une confrontation quasi-constante avec son voisin saoudien, le Qatar utilise les Frères musulmans comme un pion stratégique et les considère comme un moyen d’étendre son influence régionale et internationale. Cette stratégie est particulièrement visible lors des printemps arabes. La confrérie soutient les partis fréristes — Ennahdha en Tunisie, le Parti de la justice et du développement au Maroc ou le Conseil national dominé par les Frères musulmans en Syrie. L’argent du Qatar s’allie à ce réseau pour renverser les régimes autoritaires et permettre ainsi à Doha de devenir le phare du monde arabo-musulman.
Autre exemple d’influence : Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur Hassan el-Banna, est envoyé au Caire pour faire des études religieuses puis obtient une chaire à l’Université d’Oxford financée par le Qatar. En effet, pour que Tariq Ramadan obtienne le titre prestigieux de professeur à Oxford, le Qatar a réalisé un don de plusieurs dizaines de millions d’euros à l’université britannique. Ainsi, de 2012 à 2017 (2), Tariq Ramadan reçoit-il 35 000 euros mensuels du Qatar pour occuper la chaire d’islamologie d’Oxford et diffuser la pensée frériste.
Après une période de relations exécrables, Ankara et Le Caire se rapprochent à nouveau. Cela augure-t-il d’un changement d’attitude de la part de la Turquie qui est, avec le Qatar, l’un des principaux soutiens des Frères musulmans ? Quelles pourraient en être les conséquences ?
L’AKP, le Parti de la justice et du développement, est proche idéologiquement des Frères musulmans sans pour autant en être une filière officielle. En 2008, lorsque Barack Obama arrive à la Maison-Blanche, il a pour ambition de rétablir les liens avec le monde musulman et de réparer les années Bush. Il défend l’idée du « regime change », c’est-à-dire de la nécessité de changer les régimes autoritaires en des régimes plus démocratiques. Entretemps, et toujours grâce aux financements qataris, les Frères musulmans se sont propagés en Occident et ont su convaincre les administrations européennes, américaines et françaises, qu’ils étaient la solution au « regime change ». Ils expliquaient pouvoir incarner l’alternative modérée, capable de répondre aux aspirations musulmanes des populations, de respecter les constitutions et le droit des femmes, sans être des dictateurs. Le modèle islamo-démocrate de la Turquie servait d’exemple et de preuve. R.T. Erdoğan a pris le pouvoir en 2002, et pendant dix ans, son pays fut cité comme un modèle de réussite : les militaires sont écartés du pouvoir, les traditions sont respectées et les règles démocratiques sont appliquées. Le président Erdoğan rêvait de reprendre de l’influence dans le monde arabe et a pleinement joué la carte de l’alternative aux dictatures. Lorsque Ben Ali tombe en Tunisie en 2011 pendant les printemps arabes, Erdoğan se rend sur place avec l’objectif d’exporter le modèle turc et d’apporter son soutien aux Frères musulmans. Dans son projet global, Ankara se voulait être le centre de l’islam d’Europe occidentale, et notamment de l’islam de France. En s’appuyant sur le tissu associatif frériste, il voulait fédérer les communautés turques dans un premier temps, puis le reste des musulmans. Coopérer avec les Frères musulmans, déjà installés en Europe, permettait donc à Erdoğan de disposer de leviers stratégiques et politiques en Occident. Toutefois, depuis la répression du coup d’État manqué de 2016, le regard sur la Turquie a radicalement changé, et la méfiance des pays européens à son égard s’est considérablement renforcée.
En réislamisant Sainte-Sophie, et plus largement, en visant la domination du monde sunnite, la Turquie est rentrée dans un conflit avec l’Arabie saoudite. Ankara n’a alors pu compter que sur le seul soutien de son allié qatari. Ce dernier a signé un accord militaire avec la Turquie en 2016, qui a abouti notamment à la construction d’une base turque à Doha abritant 3000 hommes et assurant ainsi au Qatar une protection au plus fort de la crise avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. C’est donc naturellement que le Qatar est devenu en seulement cinq ans le deuxième investisseur du pays et qu’il finance généreusement l’expansionnisme de la Turquie en Libye, Syrie, Somalie, Afrique sub-saharienne, etc. et à travers les réseaux fréristes. Les pays arabes voient, à l’exception du Qatar, d’un mauvais œil le retour de l’ottomanisme. Mais depuis le printemps 2021, la Turquie commence à changer de stratégie. Le pays connaît des difficultés économiques et doit faire face à un isolement régional. Pour obtenir un modus vivendi avec l’Égypte et l’Arabie saoudite, Ankara a demandé, en avril dernier, aux Frères musulmans de stopper les programmes trop incendiaires de leurs chaines de télévision, comme El-Sharq, Mekameleen et Watan, basées sur son sol et diffusées au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas d’une rupture entre la Turquie et les Frères musulmans, mais pour l’instant d’une prise de distance à l’égard d’un allié affaibli et qui pourrait se révéler à terme encombrant.
En cas de rupture entre la Turquie et les Frères musulmans, ces derniers perdraient l’une des rares terres d’accueil où ils peuvent prospérer sur le plan de la communication et de leur organisation. Il reste le Qatar, éloigné de l’Europe, alors que c’est précisément vers l’Europe occidentale, vers les pays démocratiques, où se trouve une population musulmane en quête d’identité, qu’ils mènent désormais leur combat.
Outre le cas de la Turquie, les Frères musulmans semblent aujourd’hui perdre en influence, comme l’illustrent les situations politiques au Maroc et en Tunisie. Où sont-ils implantés et influents aujourd’hui ?
En effet, les Frères musulmans sont en perte de vitesse au Maroc, où, suite aux dernières élections de septembre 2021, ils sont passés de 125 à 12 députés, perdant plus de 80 % de leurs électeurs. En Tunisie également, alors que le président Kaïs Saïed a pris les pleins pouvoirs, marginalisant l’Assemblée dans laquelle ils détenaient la majorité relative. C’est aussi le cas au Yémen, où leur parti, al-Islah, est marginalisé, ou encore au Soudan, où le gouvernement de transition qui a chassé Omar el-Bechir a interdit les Frères musulmans en 2020, car durant les trente années de sa dictature, son administration et les Frères musulmans ne faisaient qu’un. Finalement, leur sphère d’influence est aujourd’hui davantage en Europe occidentale puisque dans les pays arabes, leur influence politique a nettement diminué et les pouvoirs en place les combattent avec efficacité.
Selon certains observateurs, l’Europe serait une terre d’influence des Frères musulmans, et pour Mohamed Sifaoui, la France serait trop passive à leur égard alors que ces derniers œuvrent insidieusement à peser sur les décisions politiques (3). Quel est concrètement l’état de l’influence et de l’implantation des Frères musulmans en Europe ?
Lorsque Donald Trump remporte la présidence des États-Unis en 2016, il arrive avec la volonté de classifier les Frères musulmans comme une organisation terroriste. Tout d’abord, une partie des Républicains, comme l’influent sénateur du Texas, Ted Cruz, considèrent les Frères musulmans comme une organisation professant « une idéologie islamiste violente » et s’étant donné « la mission de détruire l’Occident ». D’autre part, Donald Trump veut appuyer les décisions de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, de considérer les Frères musulmans comme une organisation terroriste. Cela permettra de sanctionner toutes les personnes et organisations qui les financent.
Pour l’Europe, la question ne s’est pas posée, jusqu’à ce que l’Autriche interdise la confrérie en juillet 2021, grâce à sa nouvelle loi antiterroriste. Ce retard s’explique sans doute par la naïveté durable des Européens à leur égard et pour la France, par une stratégie géopolitique. En 2012, la France partageait le constat des États-Unis, qui voyaient à travers les Frères musulmans une solution pour stabiliser la région. Des diplomates au Quai d’Orsay, notamment dans la cellule « Afrique du Nord/Moyen-Orient », influencés par des universitaires « frérophiles », furent convaincus par la promesse des Frères de respecter la « laïcité » et la « démocratie » une fois arrivés au pouvoir. Quelques années plus tard, en 2015, dans le contexte des attentats en France, l’attention s’est focalisée sur les membres de groupes terroristes, à savoir de Daech ou d’Al-Qaïda. À cette période et en comparaison avec les salafistes, les Frères musulmans ont su conserver leur image de groupe modéré. Habiles sur le plan politique, ils ont réussi à toucher des subventions publiques, notamment dans le cadre de la « politique de la ville », et à s’installer durablement dans le tissu associatif, éducatif et politique. Depuis peu, politiques et chercheurs commencent à s’interroger sur le danger potentiel qu’ils représentent. Gilles Kepel les inclut dans ce qu’il nomme le « djihadisme d’atmosphère » (4), autrement dit dans l’écosystème islamiste qui mène une stratégie de conquête du pouvoir et de rupture avec la république en bloquant l’insertion des habitants français d’origine musulmane.
Dans les universités, le courant frériste se dissimule derrière le mouvement décolonialiste et la culture « woke » (5). Bernard Rougier (6) a enquêté sur leur emprise dans la banlieue parisienne ; Christian Chesnot et Georges Malbrunot (7) ont quant à eux montré comment le financement de la mosquée An-Nour de Mulhouse provenait en très grande partie de la Qatar Charity. Pour les Frères musulmans qui sont derrière ce projet, il s’agit d’enraciner et de développer l’islam politique en Europe, dans des mosquées qui sont des centres de vie. On n’est pas dans l’illégalité, ni dans le financement direct du terrorisme. En revanche, il s’agit bien du soutien à une idéologie qui génère un djihadisme d’atmosphère et accentue le communautarisme. Les autres pays européens sont aussi victimes de cette offensive frériste soutenue par le Qatar et la Turquie. L’ensemble de l’Europe occidentale est concerné. En premier lieu le Royaume-Uni, où les Frères musulmans exilés politiques se sont installés très tôt, et profitant de la tolérance à l’égard du communautarisme, ont développé leurs institutions sociales et politiques. En Allemagne, les services de renseignement s’inquiètent de la progression exponentielle d’organisations et de mosquées fréristes qui gagnent en popularité. Après l’attentat contre la synagogue Stadttempel de Vienne, le 2 novembre 2020, l’Autriche a décidé de combattre fermement ce djihadisme d’atmosphère que les Frères musulmans contribuent à propager, en interdisant la confrérie. La question se pose clairement aujourd’hui au niveau de l’Union européenne.
Propos recueillis par Alicia Piveteau le 20 septembre 2021.
Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°64, « Géopolitique de l’islam », Octobre-Novembre 2021.
Notes
(1) Gamaa al-Islamiya est un mouvement sunnite égyptien islamiste considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne.
(2) L’Université d’Oxford le suspend en 2017 en raison des accusations de viol à son égard. Il n’a pas été réintégré depuis.
(3) https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mohamed-sifaoui-les-freres-musulmans-veulent-fracturer-la-societe-20190924
(4) Gilles Kepel, Le prophète et la pandémie, Paris, Gallimard, 2021.
(5) « Woke » se réfère au verbe « to wake », traduit en français par « se réveiller ». Les partisans de la culture woke se mobilisent contre les injustices à l’égard des minorités. Ils se revendiquent comme conscients de toutes les discriminations subies par les toutes les minorités (ethniques, religieuses, sexuelles…).
(6) Bernard Rougier, Les territoires conquis de l’islamisme, Paris, PUF, 2021.
(7) Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Qatar Papers : comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe, Paris, Michel Lafon, 2019.
Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°64, « Géopolitique de l’islam », Octobre-Novembre 2021.