Le régime d’Assad est tombé comme un fruit mûr après une offensive djihadiste et un soulèvement quasi général, à l’exception du fief alaouite. Ses alliés, l’Iran et la Russie, n’ont pas jugé utile de le défendre, car ils savaient que la partie était perdue. L’état calamiteux de l’économie syrienne, la corruption généralisée et l’isolement de la Syrie malgré sa réintégration dans la Ligue arabe rendaient le régime extrêmement vulnérable. Il a subi le contrecoup du 7 octobre. L’affaiblissement du Hezbollah et de l’Iran après plus d’un an de frappes israéliennes au Liban et en Syrie avait obligé ses derniers à retirer leurs forces de Syrie. Bachar al-Assad pouvait être emporté par le grand nettoyage, comme je l’expliquais le 2 octobre 2024 dans les colonnes de l’Express
Désormais qui va hériter du pouvoir à Damas ? Mohamed Abou al-Jolani et HTS ou bien un Conseil National de Transition sur le modèle libyen ? Les groupes qui prennent le pouvoir ne sont pas liés à la Coalition nationale syrienne moribonde ni à une quelconque opposition politique en exil. HTS possède le soutien de la Turquie, mais c’est un groupe djihadiste inspiré par l’idéologie d’al-Qaïda. L’Armée nationale syrienne, pro-turque, qui occupe une bande de territoire au nord de la Syrie pour le compte d’Ankara, est composé d’une myriade de groupes islamistes, mais surtout ennemis jurés de HTS avec lequel ils se sont affrontés à maintes reprises. Quant aux rebelles venus du Sud, ils n’ont aucune organisation. HTS paraît donc le plus solide, le mieux organisé, mais aussi le plus clivant et le moins acceptable pour les Occidentaux, mais ont-ils encore leur mot à dire ?
Enfin, les Forces Démocratiques Syrienne, dominées par les Kurdes, seront-elles conviées au partage du pouvoir ? La République Arabe Syrienne deviendra-t-elle la République syrienne afin d’être plus inclusive ? Quel sera le sort des alaouites ? Après plus de cinquante ans de collusion avec le régime des Assad, ils risquent d’être considérés comme collectivement coupables des exactions du régime. Jusqu’à présent nous n’avons pas vu de scènes de vengeances, mais comment imaginé après treize années d’une guerre civile d’une violence incroyable nous assistions à une transition pacifique. Les populations se sont repliées sur les solidarités primaires (clan, tribu ou communauté) et il sera difficile de réconcilier tout le monde, d’autant plus que le pays est divisé entre différentes entités armées.