Ce rapport a pour objectif de se concentrer sur la situation intérieure du Nord-Est syrien en particulier les relations entre les tribus arabes et l’Administration Locale, Kurdes et Arabes, le potentiel de déstabilisation en provenance du gouvernement syrien et de ses alliés, mais également de la Turquie. Pour cela, il faut comprendre la situation socio-économique dans laquelle se trouver le Nord-Est syrien. En effet, les allégeances et les défections sont largement déterminées par l’accès aux ressources. Cependant, le conflit en Syrie est devenu un conflit mondial. La Syrie se trouve sur l’arc de crises produit par la confrontation entre le camp occidental et le couple Russie-Chine. Cet axe existait déjà durant la guerre froide. Les différents conflits locaux furent récupérés, envenimés voire créés par la confrontation entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. Le conflit israélo-arabe en était l’exemple type. Cela ne signifie pas que le conflit ait cessé avec la fin de la guerre froide, mais il a simplement diminué d’intensité. Depuis 2011, et la fin de la parenthèse d’hégémonie occidentale (1991-2011) sur le monde, les conflits s’enlisent car ils rentrent dans un jeu mondial, c’est le cas de la Syrie aujourd’hui.
Il ne faut pas négliger les déterminants intérieurs qui possèdent un fort impact sur la population. Mais les déterminants extérieurs sont dominants, comme nous avons pu le constater en octobre 2019, lorsque la Turquie a attaqué le Nord-Est syrien avec l’assentiment de la Russie et des Etats-Unis. L’avenir du Nord-Est syrien est donc soumis au jeu des grandes puissances. C’est pour cette raison que nous commençons par la stratégie des acteurs extérieurs. L’essentiel du rapport est consacré à la situation intérieure, cependant les chefs de tribu arabes, les divers notables, les membres de l’Administration Locale et même l’ensemble de la population, savent parfaitement que leur sort se joue à Washington, Moscou, Ankara et Téhéran davantage qu’à Damas, Raqqa ou Qamechli. La stratégie des acteurs extérieurs conditionne la vie dans le Nord-Est syrien, car il est très dépendant de l’aide venue des pays occidentaux. A contrario, ceux qui souhaitent la destruction de l’Administration Locale tentent de le déstabiliser par divers moyens : rétention des eaux de l’Euphrate et bombardements réguliers pour la Turquie, fermeture inopinée des points de passage pour le régime, achat des tribus arabes, etc.
Au quotidien, le travail d’une ONG comme MAG est donc impacté par les logiques locales, que sont les relations entre l’Administration Locale et les tribus, entre les groupes tribaux, le fonctionnement bureaucratique de l’Administration Locale, la crise économique liées à la sécheresse et à une gouvernance inadaptée, sans oublier le danger sécuritaire que représente toujours Daesh. Mais son activité peu brutalement être interrompue par une nouvelle offensive turque ou le retrait des forces américaines du Nord-Est syrien. Il est donc important dans les scénarios d’avenir de lier déterminants intérieurs et extérieurs, car la dégradation de l’économie et/ou des relations sociales peut aussi être un préalable à une offensive extérieure.