Article paru dans le Figaro sous la plume de Caroline Rayner, le 30 mai 2024

60 ans après la création de l’Organisation de libération de la Palestine, le 30 mai 1964, Fabrice Balanche, spécialiste du Moyen-Orient, revient sur l’héritage de la célèbre organisation, en pleine résurgence du conflit israélo-palestinien.

Créée en 1964 sous l’impulsion de la Ligue Arabe, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) fête ce jeudi 30 mai ses 60 ans d’existence. Longtemps considérée comme un symbole de la cause palestinienne, quelle influence l’OLP a-t-elle aujourd’hui, alors que le conflit israélo-palestinien est en pleine résurgence, depuis l’attaque du 7 octobre 2023 menée contre Israël par le Hamas ?

Fabrice Balanche est maître de conférences en géographie à l’Université Lyon-2 et chercheur associé au Washington Institute, un think-tank américain. Il est spécialiste du Proche-Orient, où il a vécu dix ans.

LE FIGARO. – Dans quel contexte l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a-t-elle été créée ?

Fabrice BALANCHE : L’OLP est née de la volonté des Palestiniens de s’émanciper et de s’autonomiser de la tutelle de certains pays arabes qui se sont approprié la cause palestinienne pour leur propre intérêt. Il s’agit d’une coalition entre plusieurs factions, comme le Fatah, créé par Yasser Arafat en 1959 par Yasser Arafat [qui a été à la tête de l’OLP à partir de 1969], le FDLP (Front démocratique de la libération de la Palestine) ou le FPLP (Front Populaire de la libération de la Palestine).

Le mouvement a cependant été rapidement récupéré par des pays comme l’Égypte, la Syrie ou l’Irak. La cause palestinienne a donc toujours été instrumentalisée au gré de leurs intérêts et les Palestiniens ont dû faire avec pour se financer. Par exemple, en 1990, l’OLP, financée par l’Irak, a été contrainte de soutenir l’invasion du Koweït de Saddam Hussein, ce qui l’a grandement affaiblie. L’Organisation a donc dû se mettre à la table des négociations avec Israël avec les accords d’Oslo, ratifiés en septembre 1993, entre Yitzhak Rabin, le premier ministre israélien et Yasser Arafat, sous le regard du président américain Bill Clinton. Comme le monde se trouvait dans un contexte de fin guerre froide et de chute de l’URSS, les Américains ont voulu profiter de leur hyperpuissance pour régler le conflit palestinien.

Les accords d’Oslo étaient-ils, selon vous, un aveu de faiblesse de l’OLP?

L’OLP était, à l’époque, décrédibilisée par son soutien à Saddam Hussein. Les Palestiniens, qui étaient accueillis dans les pays du Golfe, ont dû retourner en Jordanie. La première Intifada de 1987 a également contribué à l’affaiblissement de l’OLP de Yasser Arafat. Les Palestiniens ont donc dû négocier, sinon ils disparaissaient. C’est toujours dans les moments de faiblesse que les Palestiniens négocient.

Les accords d’Oslo étaient très asymétriques et ne correspondaient pas du tout à ce dont les Palestiniens rêvaient. Les territoires de la Cisjordanie ont été divisés en zone A, B et C, dans le but de créer un État Palestinien. Toutefois, les sujets qui fâchaient ont été mis sous le tapis, comme le sujet du droit au retour ou le statut de Jérusalem-Est.

Que s’est-il passé après les accords d’Oslo?

En 2002, le gouvernement israélien construit un mur qui ne respecte pas le tracé de la ligne verte, estompant tout espoir d’un État palestinien. En 2004, Yasser Arafat décède et Mahmoud Abbas lui succède. C’est un moment qui marque profondément le mouvement palestinien. D’une certaine manière, la mort de Yasser Arafat crée un vide idéologique. C’est à ce moment que le Hamas, dont l’objectif était d’islamiser la société, gagne en influence. En 2006, le Hamas gagne les élections législatives palestiniennes. En 2007, une guerre civile éclate à Gaza entre le Hamas et le Fatah. L’OLP est expulsée de la Bande de Gaza et exerce dorénavant son pouvoir qu’en Cisjordanie. On assiste alors à une division des Palestiniens qui réduit l’influence de l’OLP.

Quelle influence l’OLP a-t-elle aujourd’hui?

De nos jours, l’OLP ne tient que grâce à l’aide internationale, qu’elle détourne à des fins personnelles. À cause de cette corruption, les pays arabes n’ont aucune envie de les financer.

Idéologiquement, ils n’incarnent plus rien. D’ailleurs, lorsqu’on va dans des manifestations propalestiniennes, il n’y a quasiment aucun drapeau de l’OLP qui est brandi. L’OLP a donc été complètement dépassée par le Hamas. Les cadres de l’OLP sont vieillissants. Parfois, ce sont les enfants qui ont pris la suite, mais ils peinent à tenir le mouvement. Il y a comme un effet de génération : L’OLP est, de nos jours, contestée par une nouvelle génération qui l’accuse de corruption et d’avoir abandonné la lutte de la création de l’État palestinien. Le Hamas, quant-à-lui, séduit davantage la jeunesse. On peut donc dire que le Hamas a comblé le vide idéologique que les mouvements nationalistes arabes ont laissé. Cela s’inscrit d’ailleurs dans la montée de l’islamisme dans les pays du Moyen-Orient.

Bien sûr, l’OLP a encore de l’influence en Cisjordanie, où ils clientélisent la fonction publique. Ils bénéficient également d’une certaine stabilité. Le gouvernement israélien perçoit l’OLP comme un partenaire qu’il souhaite conserver. Mais pour combien de temps ?